A propos de la thèse de Louis-Adrien Delarue
Publié le 22 Novembre 2011
Je suis une anti-thésarde convaincue. Les thèses produites au quotidien par de jeunes médecins en attente d'une validation de leur cursus produisent des travaux peu utiles voire inintéressants parfois. Nous ne sommes pas formés à la recherche. Ces travaux, même lorqu'ils sont intéressants, ne méritent pas l'appellation pompeuse de "thèse". J'ai moi-même réalisé un travail qui, s'il m'a beaucoup apporté pour mon exercice et ma façon d'appréhender les femmes en consultation grâce aux rencontres et recherches que j'ai faites en le préparant, ne fera pas avancer la médecine dans son ensemble. Personne ne la lira jamais. C'est le devenir de milliers de thèses médicales finissant dans les tiroirs des bibliothèques universitaires.
Récemment, l'un de nous a fourni une thèse qui peut prétendre à cette appellation : un travail de recherche, un travail étayé, un travail constructif qui par le sujet qu'elle étudie nous concerne tous, soignants et patients. La quantité de données compulsées est énorme. L'écriture est fluide. La thèse est magnifique (lien orientant malheureusement vers une version censurée). J'ai la chance de l'avoir téléchargé avant la censure, avant qu'on lui impose de modifier son travail.
Il parle d'audace dans son avant-propos, il en a en effet beaucoup. Dénoncer un système en place est toujours difficile. Surtout que nous sommes formatés pour que ça n'arrive pas. A l'hôpital, recevoir les labos est obligatoire puis c'est une habitude prise et une espèce d'ambivalence justifiant tout : ce n'est pas parce qu'ils me paient à manger que je dois prescrire leur médicament... Ne soyons pas naïfs, si ça ne fonctionnait pas, il n'y aurait plus de visiteurs médicaux.
Comme Louis-Adrien Delarue, j'ai croisé des gens qui m'ont fait réfléchir et montré que réfléchir par soi-même était bon*. Bon pour nous, bon pour nos prescriptions, bon pour les patients. J'ai mis plus de temps que lui pour comprendre les rouages du système.
Aujourd'hui, j'ai lu les questions qui lui ont été posées lors de sa soutenance. Je n'aurais pas eu son courage pour soutenir un travail d'une telle force.
Bravo à lui, bravo pour le travail réalisé. Et merci. Son diplôme, même s'il l'obtient sous condition de censure, a un parfum de première victoire. Il y a encore du chemin mais ça donne de l'espoir.
Je m'aperçois après coup que tout le monde a déjà commenté ou écrit, je publie quand même ce billet, parce qu'il me semble que face à une telle situation, il ne faut pas censurer les messages de soutien sous le prétexte qu'ils seraient trop nombreux.
* Bien sûr, réfléchir, c'est bon. Mais pendant nos études on apprend l'inverse : retenir bêtement des tas de trucs inutiles et surtout, ne pas remettre en question les dogmes.
PS : Il y a eu le jour de la publication de ce post de très gros problèmes de serveur (car une climatisation a laché), les commentaires n'ont pas été publiés, j'en suis désolée