Cambodia
Publié le 8 Décembre 2015
Il fait chaud, terriblement chaud. Nous sommes assis côte à côte, après que j'ai couru après lui dans les grottes. Je bois mon Coca, frais.
Il a huit ans, dix peut-être. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il serait mieux à l’école.
Il demande si je peux lui donner mes lunettes, qu’il les regarde de plus près. Je lui donne. Le monde devient pour moi instantanément flou.
Il les manipule, trouve qu’elles sont légères. Il demande combien ça coûte. Je dis 450$. Il manque tomber du banc. Tellement ? J’explique que je ne vois rien sans, et que chez nous ce sont les prix, mais que si elles étaient vendues ici, elles seraient peut-être moins chères, la loi du marché. Il dit qu’ici personne n’en porte. Certes.
Il me les rend. Le paysage reprend corps. Son sourire aussi.
Il me demande ce que je fais dans la vie. Médecin. Il a l’air de trouver ça cool. Alors dans un hôpital ? Je réponds que non, dans un village. Il est surpris, il y a des hôpitaux dans les villages chez nous ? Non, je vois les gens dans mon cabinet. Il ne comprend pas. Il me dit que si on va voir un médecin c’est qu’on est très malade, et dans ce cas-là, on va forcément à l’hopital, à la ville. Il me dit que je ne dois pas avoir beaucoup de travail. Je réponds que si, que les gens viennent pour des petites choses parfois. Et qu’on est plusieurs médecins dans mon village. Il ne comprend vraiment pas. Être malade c’est seulement si on est faible. Alors on est malade le plus rarement possible. Et on attend d’être très malade pour aller à l’hopital. Sinon c’est qu’on n’est pas malade et que ça va passer.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Alors je fais une grimace et je hausse les épaules.
Dans quinze jours, je rentrerai, voir des rhinos qu’il faudra “guérir tout de suite” “avec un traitement de cheval”.
Et savourant le picotement des bulles sur ma langue, je me demande comment nous en sommes arrivés là.
N’y a-t-il pas de juste milieu...