Ils étaient formidables...

Publié le 20 Mai 2015

 

Ils se sont rencontrés au bord de la mer, en buvant des mojitos, ils pensent vivre leur vie main dans la main, tant qu’ils sont aussi bien ensemble qu’au premier jour. Ils se sont dit oui.

Ils sont un couple sur six.

Quand elle regarde dans ses yeux, elle voit l’océan, un océan des mers froides, un océan un peu gris-vert, une mer du nord plutôt… Le regarder dormir et passer sa main dans ses cheveux l’apaise.

Ils sont un couple sur six.

Ils voulaient un enfant. Il ne venait pas, le stress sûrement, la fatigue aussi, et puis était-ce vraiment le moment. Mais ça durait alors ils sont allés consulter. Il a rempli des tas de petits pots. Elle a reçu des injections, on lui a beaucoup farfouillé l’intérieur, ça faisait mal. Ils ont reçu de nombreuses baffes. C’est violent d'apprendre son infertilité.

Ils sont un couple sur six.

Elle a eu des envies d’oeufs-mayonnaise et de chips au vinaigre. Malgré cela, elle n’a pas réussi à retenir leur bébé. Oh bien sûr il parait que ce n’est pas sa faute, que l’oeuf n’était probablement pas viable. Elle n’a pas réussi. Elle n’a pas réussi…

Ils sont un couple sur six.

Quand il passe la main sur son ventre, il culpabilise. Il a accepté de la suivre où elle veut aller. Pour travailler plus doucement, pour lui faire plaisir, pour compenser ce qu’ils ont vécu, pour repartir de zéro, ailleurs, loin de l’échec, au calme. Loin des “alors vous avez perdu la recette ?” goguenards. Au fond, il se dit que ce sera toujours moins loin que l'Islande dont elle rêve.

Ils sont un couple sur six.

Certains jours, le ton monte, les cris fusent, des choses horribles sont dites. Des reproches, toujours les mêmes finalement. Comme dans tous les couples, avec une variante, en arrière-plan l’ombre de cet enfant qui ne vient pas, et la recherche d'un coupable.

Ils sont un couple sur six.

Ils vont “chez le psy” puisqu’il parait que “c’est dans la tête”. Ca coûte cher mais est-ce que ça change quelque chose ? On leur dit aussi “quand vous partirez en vacances, vous verrez, ça viendra tout seul”. Il semble que les gens aient tort, ça ne vient pas tout seul. Ils partent beaucoup en vacances pourtant. Partir plus loin ? Sur la lune ?

Ils sont un couple sur six.

Ils entendent que la PMA ce n’est pas naturel ni écologique. Les médicaments contre l’hypertension et le traitement du cancer non plus. Ils attendent de voir si Mamère et Bové feront traiter leur cancer un jour, ou s’ils auront toujours ce grand principe, face au mur.

Ils sont un couple sur six.

Elle lit sur le site d’un médecin connu qu’“Il y a plus de couples pressés que de couples infertiles”. Elle se sent maltraitée, insultée, blessée. Cinq ans qu’ils attendent. Pressés… Cinq ans, ça va, c’est pas trop pressé ? Il est écrit aussi qu’il faut adopter pour se retrouver miraculeusement enceinte, elle pleure à lire tant de conneries.

Ils sont un couple sur six.

Ils en parlent peu autour d'eux. Mais finalement toujours trop. Ca n'intéresse pas les autres.

Ils sont un couple sur six.

Ils regardent courir et crier les enfants des autres. Et après ils savourent le silence en se disant qu'ils ont peut-être finalement de la chance. Ils se demandent s’ils finiront leur vie à deux, avec ou sans enfant. Ils se demandent s’il ne faut pas respecter cette maladie, et apprendre à vivre avec. Apprendre à vivre avec ces questions et ce poids sur les épaules. Apprendre à vivre avec la décision d’avoir arrêté les ICSI. Douter. Apprendre à vivre à deux, sans espoir d’être un jour trois.

Ils sont un couple sur six.

Ils n’ont pas besoin d’entendre que c’est dans leur tête ni qu’on leur raconte les bébés-miracle des autres. Ils n’ont pas besoin de vos bons conseils. Ils n’ont pas besoin des blagues leur proposant de leur montrer comment faire.

 

Ils sont un couple sur six. Ils sont malades. Ils sont fragiles. Ils s’aiment. Ils pleurent parfois. Ils rient souvent.

 

Regardez autour de vous. Un sur six. Vous en connaissez. Ils souffrent. Prenez soin d’eux. Serrez-les juste dans vos bras.

 

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Cette semaine est la semaine de l’infertilité.

Si vous souhaitez vous informer, le collectif bamp travaille beaucoup : http://bamp.fr/

Le site de fiv france est plus technique mais bien utile : http://www.fivfrance.com/

Rédigé par Fluorette

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F
'Ils en parlent peu autour d'eux. Mais finalement toujours trop. Ca n'intéresse pas les autres.'<br /> <br /> Cette phrase me fait penser à une de mes collègues de travail, qui est en train de vivre cette épreuve. Parce que sa peine, son chagrin qui la fragilisent et la bousculent si visiblement, je les ai bien vus mais ils ne font pas écho en moi. Éternelle ado (ou vieille fille pour l'éternité), je ne peux pas lui manifester de l’empathie.Certes, nous n'avons jamais été intimes mais je pense que ce qu'elle traverse en ce moment nous éloigne un peu plus. Et pourtant, je ne suis pas indifférente à sa détresse.<br /> Tout ça pour dire que les silences des autres ne sont pas forcément de l'indifférence mais plutôt la crainte d'être maladroit, à côté de la plaque.<br /> Bise à toi.
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D
"Ils étaient formidables"<br /> Et ils le sont encore, avec ou sans enfant.<br /> On ne sait pas à l'avance ce que cette chienne de vie nous réserve comme saloperie.<br /> ça peut être ne pas concevoir d'enfant, comme mon frère 1 sur 6 avec 3 femmes différentes (est-ce que ça fait de lui un 1 sur 2 ou un 1 sur 18 ???)<br /> ou bien avoir sans problème un gosse et qu'il lui arrive de gros pépins ?<br /> Y a pas de classement ni de médailles.<br /> Y a juste notre humanité commune qui me donne envie de te serrer dans mes bras.<br /> Et de te dire aussi qu'il y a aussi tant de belles choses à découvrir encore.<br /> Bisoux
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L
Je suis aussi le 1 couplé sur 6... il m fallut des années, des pleurs, et une montagne de traitement pour être maman.... je suis 1 couplé sur 6....je n arrive pas à avoir un deuxième enfant, j en aurait très sûrement jamais... je suis 2 fois une grossesse sur 5, celles qui se finissent mal avant même qu on envisage de chercher un prénom, je suis 1 couple sur 2, celui qui ressort de la pma avec en enfant en bonne santé, je suis 1 couple sur 2, celui qui a repris un combat, et qui en ressort les bras vides....<br /> Je pense bien à toi fluorette... je me retrouve tellement dans tes posts
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V
des gros câlins, des pensées, des bisous virtuels... On ne se connaît pas, mais je me permets tout ça pour avoir un jour touché du doigt cette souffrance si injuste...
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M
Mon amour et moi sommes des 1 sur 6. Cet article résonne tellement en moi. A sa lecture, je me suis dit : c'est ça ! c'est exactement ça ! Des 1 sur 6, j'en rencontre finalement pas mal dans mon entourage. Des histoires différentes, des choix différents. Ecouter, ne pas plaquer mon histoire sur la leur, et rester disponible pour tout partage d'expérience, de mouchoirs et de rires aussi. Quelle aventure...
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